Punker -Episode 6

Publié le par Rohic

Il était un peu plus de 16 heures quand on a abordé le complexe Charles de Gaulle. La lourde limousine s’est engagée sur l’aéroport par une entrée subsidiaire, banalisée mais sacrément sécurisée. On a cependant passé les trois barrages sans même avoir à ouvrir la vitre conducteur, pour se retrouver au pied d’un jet prêt à décoller. Il faisait froid et sec, lumineux. L’avion rutilait comme un sous neuf sous le soleil. Deux autres voitures nous attendaient là, dont sont sortis un gros black accompagné d’un jeune gars que j’ai pris pour son fils d’une part, une superbe blonde chic d’une bonne cinquantaine d’années, refaite à neuf et brushée comme une cheerleader, de l’autre. L’avion faisait un boucan d’enfer, le vent était glacial et la réverbération nous piquait les yeux. Après un rapide échange de poignées de main, on s’est engouffrés en vitesse dans l’appareil, où l’atmosphère parut bien plus cossue à tout le monde.

Il y avait là deux ravissantes hôtesses en uniforme magenta, qui faisaient très professionnelles et nous ont accueillis comme des VIP. Rachid ne les a pas même regardées. Il s’est évanoui vers le nez de l’avion en prétextant des coups de fil à passer. Evidemment, j’étais sur le cul et il commençait même à me faire un peu mal depuis tout ce temps. La cabine centrale, par laquelle nous étions entrés, n’était ni plus ni moins qu’une splendide petite salle de poker, au milieu de laquelle trônait une magnifique table ovale. “C’est de l’acajou”, m’a fait la jeune vieille, qui avait lu d’emblée mon intérêt pour la chose. “Dans la pièce, tout est en acajou de toute façon.”
Ça sentait rudement bon là-dedans, en tout cas. Et c’était encore plus beau que ça ! Une ambiance très british au demeurant, style club de gentlemen, avec de superbes appliques de cuivre sur lambris et une moquette à petits losanges dans les nuances vert bouteille. Ça m’a un peu rappelé l’Aviation Club de France. En moins grand évidemment, mais en plus riche aussi. Et pas simplement pour le détail aéronautique…
En bonne fille de l’air si j’ose dire, la mamie a pris sur elle de faire les présentations. “Vous êtes Rodman, je suppose ? Mais c’est que je pourrais être votre maman, vous savez ? Vous m’appelerez Eva ou Madame Eva si vous voulez. Il n’y a aucune raison que nous ne nous entendions pas, n’est-ce pas ?” J’étais géné, raide comme un piquet. Elle souriait ou c’était le lifting ?! Je n’ai pas bien décodé. Elle avait une toute petite pointe d’accent, une manière très personnelle de mettre du d dans ses t et du b dans ses v, qui m’a fait penser que je passerai par Madame si j’avais à dire à Eva. Le gros noir, lui, ne faisait pas attention à nous. Il s’est directement rué vers un grand bar où une des deux hôtesses lui a versé une coupe de Champagne, qu’il a bu d’un trait. La petite nana ne s’est pas démontée et lui en a remis illico une autre par-dessus. Pendant ce temps, le gars que j’avais pris pour son fils entreprenait vigoureusement la seconde hôtesse. J’ai vu de suite qu’il était bourré. La fille l’a vu aussi, mais ça ne l’a pas rendue plus farouche que ça.

Quand Rachid est revenu parmi nous, nous avions décollé depuis un bon quart d’heure déjà. Le fils du black s’était installé derrière le bar où il se frottait odieusement à la petite hôtesse en lui glissant des trucs à l’oreille pendant qu’elle faisait semblant de ranger des coupes de Champagne. Ça la faisait rire, la conne. La vieille, le black et moi nous étions installés sans façon à la table de poker. Farid s’est posé à ma gauche, face aux deux autres.
“Comme vous le savez, le petit et moi, nous avons un rendez-vous important demain. Je compte sur vous pour me le dorloter, notamment sur toi, Eva.” Puis, à l’adresse spécifique du gros black : “Je veux que tout le monde sache que nous arrivons au moment où nous poserons le pied à la villa. Pas avant, pas après. T’as bien entendu ?” Le gros n’a pas bronché. Il n’avait pas l’air bien bavard et jetait des coups d’œil furtifs vers le bar. Eva me couvait du regard, la tête un peu penchée, les coudes sur la table, les doigts croisées sous le menton. Rachid avait posé sa grande main sur la mienne, plus paternel que jamais. De l’autre main, il a fait un petit signe à destination du personnel.

“Bon, si on faisait une bonne petite partie de poker afin de détendre l’atmosphère ?”

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B
Et quand ce sera définitif, tu nous sors un bouquin ? (je sais, je suis exigeante !)
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R
On prendra des dispositions à ce moment-là…
B
Au fait, c'est Rachid ou Farid le prénom ? Ca évolue d'un punker à l'autre, je commence à m'y perdre...
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R
C'est pas encore définitif…Si ça se trouve, ce sera Gérard au final.
B
Dans quel genre de plan s'est fourré Rodman ? En attendant, c'est la petite hotesse qui risque d'y passer...
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R
Adressez-vous à ma secrétaire pour ce type de détail.