Un ange passe

Publié le par Rohic

Rien ne compte davantage que le respect de toi-même.

J’ai considéré mon indien avec circonspection, de loin. Il balançait ses jambes dans le vide, une ligne en main, au bout de l’estacade. Il devait être six ou sept heures. La nuit s’en allait gentiment, avec le vent, par dessus l’océan. Le frais piquait un peu. Je me suis assis près de lui, sans rien dire.

Tu n’as d’autre refuge, d’autres réalité, que toi-même.

C’était étrange. Il semblait regarder un truc juste derrière l’horizon, dans la nuit mourante… Un écho singulier poussait le jour dans nos dos, dont on sentait déjà la chaleur. Une vraie proximité s’est installée entre nous. Une confidence si intime que je n’ai pas osé le regarder d’abord. Enfin, pas tout à fait, pas déjà.

Ne doute jamais de ne pas être aimé. Serions-là pour en parler ?

Il y a avait des couleurs qu’on n’a pas dans un rêve. Je n’ai pas eu à me pincer. En aurais-je eu envie ? Tout semblait aller bien. Tout était là de fait, dans le petit matin. L’indien donnait parfois d’imperceptibles coups de poignet qui dessinaient de jolis ronds bleus en surface. Il n’y avait pratiquement pas de vague. Nous étions portés par une houle épaisse et  sourde, très lente, qui m’a donné une légère nausée.

N’attends rien de personne. L’autre n’existe pas.

J’ai levé mon regard vers lui. Il pesait lourd, cela m’a coûté. Ça m’a semblé durer une plombe. Le jour était en train de passer sur nous. L’horizon s’ébahissait sous la lumière, comme si une large bouche avait voulu dévorer la plage. J’en ai eu le vertige. Mes doigts se sont crispés et je me suis tendu, si bien que l’indien s’était envolé.

Il n’y a que toi ici. Il n’y a que cela à préserver.

J’ai levé les yeux au ciel, par cynisme, et me suis pour ainsi dire ébroué. Sûr qu’il allait faire beau. Pas un nuage sur l’océan. Il était encore tôt mais j’ai bien cru entendre des rires d’enfants sur la grève. A moins que ce ne fut des mouettes. Les vagues s’étaient un peu levées au gré de la montante. Elles venaient pétiller, joyeuses, sur le sable encore frais de la nuit. Ça sentait le goëmon. Il ne manquait rien.

Et je n’en serai, désormais, plus jamais absent.





Publié dans Minothaurus

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C
Bon...ben...j'ai envie de le relire. C'est normal ?
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R
Pas trop, non…
R
tres joli voiage !bis
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R
merfi
L
Très beau texte :o)
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R
...